De janvier à avril 2013, Wang Bing a filmé le quotidien dun hôpital psychiatrique de la province du Yunnan, au sud-ouest de la Chine. Enfermés là pour des raisons parfois fallacieuses parce quils représentaient un poids pour leur famille ou dérangeaient le gouvernement - les résidents y vivent jour après jour, dans un univers très dur où le lit et le sommeil occupent une place prépondérante. De létage des hommes auquel on lui a donné accès, Wang Bing, à travers les grilles, filme aussi la cour et les autres parties du bâtiment. Il enregistre le grand dénuement dans lequel se trouvent ces hommes, les échanges, les négociations, les rituels. La grande surprise qu’apporte ce grand film, c’est qu’au final, règnent au sein de cette communauté une poésie mais aussi, même si cela semble paradoxal, une véritable liberté , une chance, comme le souligne Emmanuel Burdeau dans « In Bed with Wang Bing» –« Chance de rompre la chaîne pour ne servir à rien sinon à soi ou à son rapport aux autres ».
ACOR © 2015
« Une des structures les plus permanentes dans son cinéma, depuis A l’ouest des rails, c’est le passage de l’intérieur des petites boîtes fermées, des petits cubes scénographiques, à l’étendue, à l’illimité. Dans le Fossé comme dans les Trois sœurs, cette structure est très prégnante : on est dans la boîte avec les personnages, puis quelqu’un sort de la boîte, la caméra le suit et d’un seul coup l’espace s’ouvre, c’est de ce rythme dont il a fondamentalement besoin. Même dans Fengming il éprouvait la nécessité de cette structure. Au début de ce film on se dit que dans un lieu d’enfermement il ne pourra plus retrouver ce principe stylistique fondamental. Mais la coursive lui permet de faire quand même le cinéma qui est le sien. C’est un espace de déambulation où de la perspective est possible. La seule différence, c’est qu’au lieu d’une étendue illimitée, on a affaire à une étendue en boucle où l’on peut parcourir des kilomètres, mais en repassant à chaque tour aux mêmes endroits. »
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Consultez les entretiens précédents autour des films
le Fossé
Fengming, chronique d’une femme chinoise
Les Trois sœurs du Yunnan
Consultez la biographie d’Alain Bergala
par Emmanuel Burdeau
ACOR © 2014
« À louest des rails montrait combien, à la veille de leur faillite, lattente, les parties de mah-jong, les palabres gagnaient progressivement les usines de Shenyang : dans lentre-deux de la pleine activité et de la fermeture souvrait une aire de jeu, une vacance. À la folie procède à linverse : les lits qui ouvrent le film et qui ne cessent de reparaître ensuite sont élevés à la hauteur dun théâtre, voire dune usine. Chacun y dort, bien sûr. Chacun sy occupe, aussi bien : grignoter, fumer, méditer sur sa vie et ses rêves, ses impôts et ses désirs, y rejoindre un camarade pour des caresses clandestines Dun film à lautre il se fait donc un renversement. Mais il se fait surtout une continuité, la continuité dun affolement dans les partages, la continuité dune catastrophe et dune chance. »
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Consultez la biographie d’Emmanuel Burdeau
par Arnaud Hée
ACOR © 2014
« La beauté du cinéma de Wang Bing tient dans cette circulation entre le(s) filmé(s) et le filmeur, qui nous est transmise physiquement, et qui se prolonge par une possible projection d’affects – les Trois sœurs du Yunnan n’est-il pas avant tout un mélodrame dickensien, et À la folie un film d’amour, dont le titre original, Feng ai se traduit littéralement par « l’Amour fou » ? L’expérience procurée par la vision des films du cinéaste est ainsi de l’ordre de la transmission du déplacement, au sens physique, mais également comme un possible accès à une intériorité. »
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Consultez la biographie d’Arnaud Hée
Cette rencontre a eu lieu à Angers le 16 janvier 2015 dans le cadre de la programmation Chine du festival Premiers Plans. Y participait également Emmanuel Atlan, distributeur du film. Était présent dans la salle Roland Depierre, qui a écrit plusieurs ouvrages sur la Chine. Transcription : Marielle Millard © ACOR