Alain Bergala
La première évidence est que ce film est vraiment dans le droit fil de tout son travail précédent. C’est quelqu’un qui suit une ligne de façon absolument déterminée.
Son style d’abord, son geste de filmeur. On y retrouve cette façon qu’il a de suivre les gens, de leur coller aux basques, puis de s’arrêter arbitrairement et de laisser le personnage s’éloigner de la caméra.
Sa morale aussi : comment construire le sens dans un film ? Quand on entre dans celui-ci on ne sait rien, mis à part que c’est un hôpital psychiatrique. On ne sait pas qui est enfermé là, ni même qui sont les malades et qui sont les soignants, on n’a aucune information à part celle du titre. Et cela va prendre tout le film pour que peu à peu nous arrivions, par nous-même, à construire le sens. Ce qui fait que l’on est sans arrêt en alerte, on ne s’ennuie jamais une seule seconde. A chaque séquence, on attrape des nouvelles informations qui nous manquaient jusque-là.
Il y a vraiment un « suspense du sens » qui va durer jusqu’à la fin du film, puisqu’on apprendra encore par le carton final des choses que l’on avait pu supposer mais que l’on ne savait pas clairement. Par exemple, sur les raisons de l’enfermement de ces gens, on a des bribes. Il y en a un dont on apprend qu’il a été enfermé à la suite d’une bagarre, mais on ne sait rien de plus sur la bagarre. Un autre a été enfermé à la demande sa famille, mais on ne sait pas pourquoi. Plus tard sa famille vient le visiter, mais la cause qui a déclenché l’enfermement restera non dite. La cause politique n’est jamais énoncée directement : les cartons de fin nous confirmeront qu’il y a là des gens qui sont plus des prisonniers politiques que des malades, selon le vieux modèle des pays totalitaires où on enfermait dans des hôpitaux psychiatriques les opposants et les gêneurs politiques. On le soupçonne un peu parfois, mais cela reste allusif.
Dans les Trois sœurs de Yunnan Wang Bing pratiquait déjà le suspense du sens - par exemple sur l’absence de la mère des gamines - mais la situation était plus facile à attraper, tandis que là, jusqu’au bout du film, on se dit : « Tiens, ça je ne le savais pas ». Du coup, quand on a une nouvelle information, on l’articule avec celles d’avant.
Catherine Bailhache
Ce qui fait qu’on est tenu, qu’on se trouve comme devant un puzzle. On a notre propre idée de ce qu’est un hôpital psychiatrique, une structure fermée. Mais on est confronté à quelque chose d’hyper pragmatique, qui ne colle pas à nos idées préconçues. On s’aperçoit alors qu’on se pose plein de questions. Il nous manque tout le temps des morceaux et c’est ça qui nous tient pour commencer. Même si progressivement, pendant qu’on est en train de mettre des pièces du puzzle à leur place, quelque chose d’autre se met en route, la question de la relation réelle entre ces gens, d’une relation dont on se rend compte à quel point elle est sensible, humoristique, subtile. Il y a de la subtilité entre eux et c’est ce qui prend toute la place pour finir.
… Même le fait que les femmes soient en-dessous, on ne le comprend pas tout de suite.
Alain Bergala
C’est pour moi une chose essentielle. Tant mieux s’il n’a pas pu filmer tous les étages, à la façon de Wiseman. Le fait qu’il ait été limité à un étage, ça produit du cinéma.
Alain Bergala
Dès le début, il y a un off très présent : on entend les femmes mais on ne les voit pas. On pense qu’en bas il y a les infirmières et les docteurs. Petit à petit, après les avoir entendues, on va finir par voir les femmes depuis l’étage des hommes. Et on arrive à la scène magnifique où l’homme parle avec la femme dont il est amoureux, d’un étage à l’autre. Ce hors-champ est très important puisque c’est celui des femmes par rapport à la communauté des hommes. Cela crée des lignes de fuite magnifiquement filmées depuis la coursive, avec cette femme que l’on repère de loin grâce à la couleur de ses habits.
Catherine Bailhache
Il y a une agitation relativement fébrile, nuit et jour, à l’étage des hommes, alors qu’il n’y a pas tellement de circulation en bas… Peut-être est-ce à cause de la vision à la fois surplombante et masquée qui permet seulement d’entrapercevoir des bribes de ce qui se passe en bas, en tout cas on ne perçoit pas une circulation équivalente.
Alain Bergala
Par rapport aux films précédents de Wang Bing, il y a un prolongement important dans ce film. Une des structures les plus permanentes dans son cinéma, depuis A l’ouest des rails, c’est le passage de l’intérieur des petites boîtes fermées, des petits cubes scénographiques, à l’étendue, à l’illimité. Dans le Fossé comme dans les Trois sœurs, cette structure est très prégnante : on est dans la boîte avec les personnages, puis quelqu’un sort de la boîte, la caméra le suit et d’un seul coup l’espace s’ouvre, c’est de ce rythme dont il a fondamentalement besoin. Même dans Fengming il éprouvait la nécessité de cette structure. Au début de ce film on se dit que dans un lieu d’enfermement il ne pourra plus retrouver ce principe stylistique fondamental. Mais la coursive lui permet de faire quand même le cinéma qui est le sien. C’est un espace de déambulation où de la perspective est possible. La seule différence, c’est qu’au lieu d’une étendue illimitée, on a affaire à une étendue en boucle où l’on peut parcourir des kilomètres, mais en repassant à chaque tour aux mêmes endroits. S’il avait dû tourner dans un hôpital psychiatrique avec des chambres fermées, il n’aurait pas pu faire ce cinéma « enfermement/ouverture » de l’espace, le film serait trop oppressant sur la même durée.
Alain Bergala
Ici, les enfermés ont une large liberté de déambulation. Ce n’est pas juste trois mètres à l’intérieur des chambres. A un moment, il y en a un qui dit « Je vais faire vingt tours » et la caméra fait ce qu’elle fait d’habitude chez Wang Bing, elle le suit, sauf qu’au bout de quelques tours le caméraman est crevé et l’homme suivi se retourne et lui dit « Ça va, tu n’es pas trop fatigué ? ». Il y avait une scène identique dans les Trois sœurs, au moment où l’homme allait prendre le bus. C’est l’un des rares moments où on se rend compte que les gens filmés ont tout à fait conscience de la présence de la caméra, que tout le monde la voit, mais que Wang Bing fait partie de la collectivité des enfermés.
Catherine Bailhache
Ils sont deux à courir, le personnage mais aussi le caméraman qui court finalement avec lui et autant que lui, avec le poids de la caméra en plus.
Emmanuel Atlan
On se demande si c’est Wang Bing qui court derrière ou si c’est son opérateur ?
Alain Bergala
Dans ce plan, à mon avis ce n’est pas lui, parce qu’au moment de ce tournage il était malade, fatigué, et les journées de travail étaient très très longues. Il a dû avoir recours à un deuxième homme à la caméra pour le relayer. Mais leur entente est telle qu’il est très difficile de savoir ce qui a été filmé par Wang Bing ou par l’autre filmeur. Il y a une totale symbiose entre eux.
Catherine Bailhache
Il n’y a pas que les chambres et la coursive, dans le film, mais aussi le monde extérieur.
Alain Bergala
Il faut du temps avant que le film accepte des gens du monde extérieur. C’est une vraie progression dramatique. Au début on reste dans les cellules, on ne sait rien de ces hommes, puis petit à petit, les malades se parlent entre eux, sortent sur la coursive, puis on accède au off des femmes. A un certain moment, assez loin après le début du film, le monde extérieur y fait intrusion de deux façons : les familles qui viennent rendre visite aux enfermés, et l’homme qui a une sorte de permission et qui sort de l’hôpital, suivi par la caméra.
Ce qui aurait pu être une ligne de fuite n’est pas du tout libératoire parce que c’est presque pire chez lui. Dans l’hôpital psychiatrique ça communique sans arrêt, de tous les côtés, alors que chez lui il n’y a plus aucune communication. C’est triste, c’est glauque, c’est sinistre.
Emmanuel Atlan
Ça semble encore plus sale que l’hôpital, qui est pourtant un endroit où l’on pisse parfois à même le sol. Il n’a aucune communication avec ses parents. La seule chose qu’il gagne - et le cinéaste aussi - c’est de pouvoir marcher sans être obligé de tourner. D’ailleurs, c’est ce qu’il fait, il marche tout droit.
Alain Bergala
Wang Bing aurait pu jouer de cette sortie d’un malade pour nous signifier que l’hôpital, par contraste, c’est l’horreur. Or, non. Dans cette scène, il nous dit : « Finalement la société civile, c’est pareil, c’est peut-être même moins bien. » En tout cas, ça pose un premier jalon sur ce que dit le film du rapport entre la société de l’hôpital et la société de dehors. On se dit que peut-être, finalement, certains sont mieux dans ce lieu où il y a des vrais rapports humains, que dans leur vie ordinaire.
Catherine Bailhache
Il y a un enfermé qui dit : « Au moins ici tu as un lit, tu peux dormir. » Ce qui sous-entend qu’ailleurs ce n’est pas forcément le cas.
Emmanuel Atlan
L’hôpital n’est pas situé géographiquement. Dans tous ses films, Wang Bing essaie de ne pas donner trop d’indications sur l’endroit réel où il a filmé.
Alain Bergala
Le nom n’est pas dit, mais on voit que c’est dans une ville, il y a des immeubles autour, des rues fréquentées. Ce n’est pas un lieu d’enfermement isolé, construit dans un no man’s land.
Catherine Bailhache
Il y a de la circulation automobile dans les rues. Il y en a un qui dit : « Tiens il y a une voiture qui part à l’ouest, tiens il y en a une autre qui part à l’est, tiens je pourrais voler une voiture mais non je ne vais pas faire ça .»
Alain Bergala
Ce film demande un regard débarrassé des idées reçues qui sont les nôtres. Comme le film qui se passe dans un hôpital psychiatrique, un lieu d’enfermement, on a des modèles en tête. On a les écrits de Foucault, on a le film San Clemente, et tous les autres films tournés en milieu psychiatrique. Le film de Depardon est intéressant par rapport à celui de Wang Bing parce que Depardon est lui aussi un très grand déambulateur. Sauf que si l’on mesure la différence entre les « fous » de Depardon et ceux-là, c’est deux mondes.
Catherine Bailhache
Pour moi, San Clemente, c’étaient des fous tels qu’on les imagine.
Alain Bergala
Avec très peu de relations entre eux. Ils sont plus repliés en eux-mêmes, plus autistes. Là, c’est le contraire. Le mode de déambulation de Depardon n’est pas tout à fait le même que celui de Wang Bing. Depardon, lui, se met à trois mètres d’un malade, dans son sillage, et se met à le suivre sans décoller, il ne veut rien savoir. Ce n’est que si cet enfermé en croise un autre qu’il se met parfois à suivre l’autre, comme un chien qui suit un passant dans la rue, puis un autre. C’est ce qui fait la force du film de Depardon. Il arrive dans San Clemente, il n’a aucun savoir sur ce qui l’attend, il frappe à la porte et il filme. Ce serait intéressant, d’ailleurs, de programmer ces deux films ensemble, parce que la situation est vraiment la même, même si la population est très différente.
Catherine Bailhache
Est-ce que vous avez pensé au Moindre geste ? Moi oui.
Alain Bergala
Dans le Moindre geste, ce sont des enfants et des ados autistes. Là, il y en a peut-être qui le sont, mais pas la majorité. Il y en a un qui marche tout le temps, qui ne dit pas un mot. Mais Wang Bing s’intéresse plutôt à ceux qui communiquent. Il ne s’intéresse pas aux fous enfermés dans leurs têtes.
Catherine Bailhache
A un moment, on a un doute sur le fait que celui qu’on appelle le muet le soit vraiment. Mais non. On voit qu’il cherche au contraire à communiquer, même s’il est souvent rejeté.
Alain Bergala
La question la plus importante que pose le film, pour moi, est : qu’est-ce que cette communauté ? Comment fonctionne-t-elle ? La première chose étrange pour nous, c’est que ce lieu d’enfermement par la société n’est pas du tout structuré sur un modèle répressif visible qui nous serait familier. Il n’y a ici aucun dispositif panoptique de surveillance ni aucun isolement, en tout cas dans l’espace où Wang Bing a été autorisé à filmer. Ils sont très libres, à leur étage. Il n’y a même pas un moment de couvre-feu où on ferme toutes les chambres, où on éteint toutes les lumières. Les enfermés peuvent aller dans les chambres des autres, peuvent parler, peuvent sortir à tout moment sur la coursive. On a l’impression, à l’intérieur de l’espace clos, d’une très grande liberté de circulation.
Catherine Bailhache
Il y a des portes mais toujours ouvertes ou entr’ouvertes. Avec lesquelles on peut jouer. Il y a cette femme qui, à un moment donné, se fait engueuler par son mari et qui demande à un type qui regarde la scène de sortir. Le fils fait alors mine de refermer la porte mais ne va pas jusqu’au bout de son geste. Ce n’est d’ailleurs même pas sûr qu’elle ferme, cette porte. C’est entr’ouvert. Juste pour signifier que l’on veut rester en famille.
Chacun est spectateur de ce que font les autres, de ce qui leur arrive.
Alain Bergala
Tout le monde a le droit de regarder les autres et ça n’a pas du tour l’air d’être gênant pour ceux qui sont regardés. Quand il y a la famille, que la mère et le fils qui se parlent, tout le monde écoute leur dialogue. Il y a là quelque chose de culturel que l’on pouvait déjà rencontrer dans A l’ouest des rail. Je pense à cette scène formidable, dans le magasin général, où quelqu’un lisait la lettre qu’un garçon avait écrite pour déclarer son amour à une fille, et comme chez John Ford, tout le monde écoutait le contenu de la lettre, le commentait... La communauté a une sorte de droit à la connaissance de ce qui concerne chacun de ses membres, et ce n’est pas vraiment perçu comme une agression. Quand ils en ont un peu assez, ils disent au tiers : « Bon, maintenant tu recules », mais pour eux cette écoute par les autres est « normale ». Notre conception d’une vie privée, farouchement intime, totalement étanche aux tiers, ne fonctionne pas. Et ce n’est pas que parce que c’est un hôpital psychiatrique : si ce n’était pas comme ça dehors, ce ne serait pas comme ça dedans. Dans A l’ouest des rails, c’est une communauté libre, mais déjà tout le monde venait écouter les histoires des autres.
Catherine Bailhache
C’est ce qui explique aussi sans doute que Wang Bing puisse à ce point-là filmer ces gens dans leur vie intime. Une caméra ou quelqu’un, c’est pareil.
Ce qui me frappe c’est la grande promiscuité dans cet espace relativement clos. A l’étage, ils sont entre 80 et 100 personnes. On apprend à la fin du film qu’il y a parmi les enfermés des éléments violents, on entend parler d’une bagarre, de quelqu’un qui s’est fait tabasser – celui qui a le bonnet noir – mais on ne voit rien. En cours de film, à aucun moment, il n’y a de violence physique entre eux. Il y a beaucoup de menaces incantatoires – « Essaie un peu pour voir » – il y a des gestes menaçants, mais pas de passage à l’acte.
Emmanuel Atlan
Il y a quand même le type à qui on mis les menottes dans le dos. Il a dû péter les plombs. On entend qu’il a tapé les murs, pas un autre malade. Wang Bing dit clairement dans ses interviews que les passages à l’acte sont désamorcés par le nombre de médicaments qu’ils ingurgitent. Il a d’ailleurs filmé la scène où on leur distribue leurs médicaments sous la surveillance insistance du personnel médical qui contrôle qu’ils les avalent bien. La seule chose que font les médecins, c’est de surveiller qu’ils soient bien neutralisés chimiquement. A un moment, on voit un jeune complètement shooté alors qu’avant il nous était apparu vivant et drôle.
Catherine Bailhache
Je me suis demandé jusqu’à quel point la caméra de Wang Bing ne les rendait pas encore plus doux. Je pense à la scène du muet qui tape sur les murs, comme pour tuer des insectes, qui enjambe le lit des deux autres et qui se retrouve carrément sur la poitrine de l’un des deux. Celui-ci, ça fait un moment qu’il est là, en train de subir les claquements de l’autre sur les murs. Mais il ne dit rien. Il regarde la caméra. Il attend. Le temps est long, pour lui aussi, forcément, et on se dit qu’il est bien patient.
Alain Bergala
C’est vrai que la caméra joue sans doute un rôle modérateur. C’est plus difficile de commettre des actes de violence quand on est sous un regard enregistreur. Il ne semble pas y avoir de vraie révolte contre le fait d’avoir été enfermé. Il n’y en a qu’un qui dit à un moment, à un nouveau : « De toute façon, ici, si tu arrives et que tu n’es pas malade, tu le deviendras. » C’est le seul discours « politique » de la part d’un malade, qui est très lucide et qui fait l’analyse de la situation, sinon il n’y a pas la moindre revendication.
La seule scène où l’on assiste directement à la violence du pourvoir carcéral, c’est celle de l’homme à qui on a lié les mains. Lui, il réclame qu’on le libère. La scène est longue et dure car l’infirmier est tranquillement assis devant la télé et ne réagit pas à l’insistance de l’autre qui l’implore de lui défaire les menottes qui blessent ses mains. Mais à la fin, il a l’air plus triste et abattu qu’en colère devant l’obstination de l’infirmier qui finit par lui défaire les menottes.
Alain Bergala
Cette scène est très mystérieuse parce qu’on se dit : « Ce n’est pas possible de tenir tous ces hommes sans qu’il y ait un pouvoir, un pouvoir médical et même policier. » Or, les agents de ce pouvoir on ne les voit presque pas. On voit une infirmière, on voit un docteur, comme si cette société s’autorégulait. Il y a beaucoup de situations où on se dit : « Si c’était dans un hôpital psychiatrique directement répressif, on ne leur laisserait pas le temps de régler eux-mêmes leurs problèmes. » Il y aurait l’intervention du pouvoir et là, il n’y en a presque pas. J’aimerais beaucoup en parler avec Wang. Savoir si c’est qu’il ne les a pas filmées, ou pas montées, ou s’il y a réellement autorégulation.
Catherine Bailhache
C’est vrai qu’ils ont l’air d’être dans une espèce d’habitude de tolérance tacite d’un certain nombre de choses qui ailleurs ne passeraient pas. Par exemple quand un des hommes sort nu et vient se doucher au robinet de la coursive - alors qu’il y a de vraies douches -, ce n’est pas conforme, ce n’est pas la bonne heure, et il fait ça sous le nez d’un infirmier. Or celui-ci lui demande juste, gentiment, de bouger un petit peu parce qu’il arrose le sol, que ça gicle trop, mais il ne l’empêche même pas de continuer. Il le laisse finir et repartir tranquillement. Ce qui ne colle pas avec un règlement répressif, autoritaire, où l’infirmier lui dirait : « D’abord tu ne te balades pas tout nu et tu vas à la douche plutôt que de te mettre au robinet devant tout le monde ».
Alain Bergala
Il y a peut-être là aussi quelque chose de culturel dans cette scène. Les pauvres n’ont pas forcément de douche chez eux, et ont l’habitude de se laver au lavabo ou à l’évier. On a l’impression que la nudité ne gêne personne. Dans A l’ouest des rails, déjà, ils étaient tous nus sous la douche, et dans les couloirs qui y conduisent. Pour le DVD produit par Karmitz, Wang avait demandé que les sexes soient floutés par respect pour les hommes filmés lorsque ces DVD copiés seraient vus par des Chinois.
Catherine Bailhache
A ce propos, que penser des critiques qui ont parlé de voyeurisme condescendant de la part de Wang Bing ?
Alain Bergala
C’est ridicule. Il suffit de regarder honnêtement le film. Un voyeuriste se planque et regarde de façon trouble. Lui est là, dans la pièce, au milieu des enfermés, tout le monde le voit. C’est d’une franchise et d’une honnêteté totale et indiscutable. Même quand les gens sont nus, il n’y a pas un gramme de voyeurisme. Eux, parfois, tournent le dos, protègent un peu le sexe, mais on voit bien que ça ne les gêne pas vraiment. La nudité dans ce film est aussi simple que celle d’A l’ouest des rails. C’est la même - un groupe d’hommes entre eux -, il n’y a rien à cacher et puis c’est naturel.
Catherine Bailhache
Oui. D’ailleurs le seul moment où ce n’est pas comme ça, c’est quand il y a une femme dans la pièce et qu’ils plaisantent : « Tiens, il va y avoir un film porno. » Là, ils commentent, ils font de l’humour pour désamorcer… Même si c’est sa propre femme, c’est une femme parmi des hommes et un homme qui se déshabille.
Catherine Bailhache
J’aime beaucoup la première scène dans le lit, quand ils sont en train de parler de sommeil : « Quand on dort, on ne peut pas nous taxer le sommeil. » Tout le dialogue y est magnifique.
Alain Bergala
Ce qui m’étonne et que je trouve passionnant dans le film, c’est cette société, cette communauté. Finalement tous les rapports de dettes, de force, sont médiatisés par les mots. C’est un modèle d’organisation sociale qui est censée enfermer les gens, les isoler, et qui crée de la communication tout le temps. Pour nous, par rapport à notre culture de l’enfermement, il y a une part d’utopie dans le fonctionnement de cette communauté. On est impressionnés par la capacité de ces hommes, qu’on a enfermés dans cet hôpital, de réguler, d’organiser, de symboliser. Il y a bien sûr ce que Wang Bing veut dire du système répressif, de l’aspect concentrationnaire de l’institution, mais il y a aussi un aspect utopie communautaire.
Catherine Bailhache
Il y a décidément chez lui toujours cette même envie de mettre en évidence ce qui, entre les gens, fonctionne malgré tout ce qu’il y a autour d’éprouvant et de difficile. Même s’il filme de plus en plus dans des endroits oppressifs et inhumains, il s’intéresse avant tout à capter ce qui reste humain.
Alain Bergala
Il filme à l’intérieur de cette communauté des valeurs auxquelles on ne s’attendrait pas dans un lieu d’enfermement et de privations. L’histoire des mandarines, c’est génial. Alors qu’ils mangent très mal dans cet hôpital et que ces mandarines que lui a achetées sa femme sont un luxe, il en donne à tout le monde. À un moment il y a un malade qui a déjà reçu la sienne qui vient demander une autre. Le mari ne veut pas lui en donner une deuxième, c’est sa femme qui dit : « Allez, donne-lui en encore une. » Chez nous, la femme dirait à son mari : « On est pauvres, elles m’ont coûté cher, c’est pour toi, tu les gardes. »
Catherine Bailhache
En même temps il en donne à tout le monde sauf à sa femme qui les lui a apportées. Quand il finit par lui en tendre une, elle dit : « Je croyais que jamais tu me le proposerais. » C’est une affaire entre eux, dans leur couple, qui n’a rien à voir avec ce qui se joue de générosité avec les autres. C’est drôle parce que les compagnons d’enfermement arrivent les uns après les autres, en ribambelle, et ils n’ont qu’une envie, c’est de manger une mandarine, on se dit vite que le pauvre paquet va être terminé en trois minutes. Mais à chaque fois le mari donne, jusqu’au moment où arrive un quémandeur de plus, à qui il dit : « Qu’est-ce que tu me donnes en échange ? » et l’autre lui répond « Du thé. » On sent bien qu’après avoir dilapidé son cadeau sans arrière-pensée d’échange marchand, cette demande d’un retour est purement formelle, comme un trait d’humour.
Alain Bergala
La scène dit beaucoup de choses sur l’idée qui est la nôtre selon laquelle quand on manque et qu’on vous donne quelque chose, on le garde pour soi. D’autant plus que la femme se plaint de ne pas avoir d’argent. Ça montre l’espèce de solidarité entre les gens dans cette communauté de pauvres. On ne peut pas lire ce film du seul point de vue de l’horreur concentrationnaire, ce serait rater l’essentiel.
Dans la scène du déjeuner, dans la cour du bas, c’est la même chose : quelqu’un offre à un autre ce qui reste de son pauvre repas : « Tu veux de ma soupe, j’en ai eu assez, je te donne ce qui me reste. » Il n’y a pas l’égoïsme capitaliste de « Ceci est à moi. » Il y avait déjà ça dans Les Trois sœurs quand le grand-père disait : « Si on a trop, on ne mange pas tout, on ne gaspille pas, on donne aux autres, on partage. »
Catherine Bailhache
Cet état d’esprit fonctionne même pour les lits, qui sont pourtant le seul objet personnel dans cette promiscuité obligée. Personne n’est dans une chambre individuelle. Ils ont un lit chacun, et même si ça reste l’endroit le plus « privé », quelquefois ils permutent. Dans la scène où un malade se couche dans le lit d’un autre, celui-ci lui dit : « Ça c’est mon lit, va-t’en » mais finalement il va dormir dans le lit de l’autre, abandonnant le sien.
Je me suis posé une question par rapport à la lumière : était-elle allumée en permanence dans les chambres parce que Wang Bing filmait ? En tout cas il y a une lumière quasi permanente et du bruit, des gens qui chantent, parlent, même quand tout le monde est couché, et personne ne s’énerve.
Alain Bergala
Il y a un travail assez riche avec la lumière, car la cour est à ciel ouvert. On sent les variations météorologiques. Les saisons rentrent à l’intérieur de l’hôpital. Le contraste entre la lumière des chambres et la lumière naturelle crée du cinéma. Parfois la coursive est éclairée par un beau soleil, une lumière libre. On n’est plus dans un système psychiatrique où on est isolé du soleil, de la lumière vivante, et ça produit des moments de grand apaisement. C’est le cas de la très belle scène finale.
Catherine Bailhache
Ce n’est pas chauffé. Dans la pièce de télé il y a un poêle mais comme les portes sont ouvertes à tout va, et que la coursive donne dehors... On imagine le froid qui doit régner quand il neige. Ils n’arrêtent pas de se déshabiller, et pourtant on a l’impression que le froid ne les atteint pas.
Alain Bergala
Jamais personne n’a l’air frigorifié. Ils ont des couettes énormes superposées. J’aime bien la façon dont ils s’enveloppent dans leurs couettes, c’est comme une protection enfantine, leur dernier refuge, un étrange cocooning. L’épisode des draps est très surprenant. On imagine que la literie n’est pas très bien entretenue. Or, quand la femme dit à son mari qu’elle va ranger le lit, il répond : « Ce n’est pas la peine, ils vont venir changer les draps. » On se croirait dans un dialogue d’hôtel 3 étoiles.
En tout cas, cette communauté des hommes entre eux fonctionne plutôt bien. On a l’impression quelle s’auto-régule. Des occasions de violence, il y en a toutes les minutes et elle n’explose jamais. C’est une société de négociation, d’échange, de verbalisation. C’est pour ça qu’il n’y a peut-être pas tellement besoin de répression extérieure, c’est comme une expérience in vitro : on met ces hommes ensemble et contre toute attente, vu les conditions de vie, ils se régulent vraiment très bien.
On a toujours de la sympathie pour eux et leur façon tolérante de se comporter avec les plus dérangeants. Et entre eux il n’y a pas de bizutage. Normalement dans une société d’hommes - que ce soit un internat, une prison ou un hôpital psychiatrique – quand arrive un nouveau, il doit être bizuté. Là, au contraire, on l’aide, on lui explique comment ça marche, on le console. L’un d’entre eux vient trouver le nouvel arrivant et lui dit : « Nous, quand on est arrivé comme toi, ici, on ne pleurait pas, arrête de pleurer. »
Catherine Bailhache
Ensuite sa fille vient lui rendre visite. Elle lui dit : « C’est maman qui a demandé ton enfermement, il faudra arriver à la convaincre de te reprendre mais elle va le faire, elle t’a mis là pour ton bien, tu verras .» Lui est encore terrassé par le fait d’être là. Il y a plein de gens autour qui sont agglutinés, qui participent à la visite et qui disent à la fille « Achète-lui des cigarettes, achète-lui des fruits, tu sais on mange mal ici .» Lui, il veut juste partir. Et on sent bien qu’ils se disent qu’ils pourront peut-être en récupérer un petit peu. L’un d’eux passe déjà un coup de fil grâce au portable de la fille.
Alain Bergala
Cette histoire de portable, c’est très beau parce que c’est elle qui lui propose de le lui prêter. Il y a un respect humain entre eux qui est assez incroyable. Il n’y en a jamais un pour dire à l’autre : « Moi je ne suis pas fou, mais toi oui. »
Catherine Bailhache
Dans une structure psychiatrique, très souvent les malades disent du mal les uns des autres, c’est même leur occupation principale parce qu’ils n’ont pas grand-chose d’autre à faire, donc ça prend une place énorme. Est-ce que Wang Bing a gommé cela ? Je ne pense pas, car on sentirait une forme de méfiance, des rivalités, des clans…
Alain Bergala
Quand l’un empiète sur le territoire de l’autre, on se dit ça va mal finir, mais non, il y a parfois des menaces verbales, mais ils ne passent pas à l’acte. Il y a une grande force de la négociation entre eux, toute tension est négociable. C’est très troublant. Evidemment on est dans un autre type de société que la nôtre, et ce qu’on voit, c’est forcément un reflet de l’extérieur.
Catherine Bailhache
Wang Bing arrive à capter de la beauté dans cet univers souvent glauque.
Alain Bergala
Il ne fait pas un film de dénonciation et n’a pas peur de montrer de la beauté dans cet univers psychiatrique. Il y a des plans très longs qui sont filmés comme des performances théâtrales, comme la scène du type qui écrit sur son corps, ou celle de l’homme nu qui va uriner contre le mur. Wang Bing prend le temps de laisser de la beauté naître de ses plans, grâce à son regard. C’est le contraire de l’idéologie esthétique de la dénonciation où l’idée même de beauté était impensable ou condamnable. On sent que lui, quand il filme, se dit : « Ça c’est beau », cet homme sur le lit, ces deux visages, le rapport des deux têtes. Il ne renonce jamais au plaisir sensible de filmer une forme pure de beauté : « Regardez comment ils bougent, regardez comment ils se déplacent, regardez leur corps. » Le regard n’est contaminé par l’analyse politique ou le jugement critique. C’est un regard de cinéma, d’artiste.
Catherine Bailhache
Le film obéit à une véritable progression dramatique. C’est une posture très assumée de la part de Wang Bing.
Alain Bergala
Il ne fait pas semblant de faire une chronique, qui serait forcément dispersée si elle respectait la chronologie des rushes. Il affirme sa position de cinéaste qui construit son film au montage selon une progression qui n’était pas celle des événements au jour le jour. Les rushes devaient être aléatoires et c’est lui qui compose le film, de façon très ordonnée, par tableaux et même par sujets successifs. Ce n’est qu’à la fin du film qu’on en arrive aux rapports corporels entre les enfermés, au bout de deux heures.
Je préfère parler de rapports corporels que de rapports sexuels. Parler d’homosexualité n’aurait pas grand sens par rapport à ce que l’on voit, qui est juste la recherche d’un peu de chaleur humaine. Il y en a un qui raconte aux autres, de façon très émouvante : « Quand j’étais à l’université (déjà on est très surpris qu’il ait été à l’université), j’avais une copine et on dormait collés l’un contre l’autre, c’est un souvenir inoubliable. » Il ne parle pas de sexe, il parle de tendresse et de chaleur corporelle. Sur les rapports des corps à la fin du film, c’est quand même extraordinaire : on ne peut que trahir avec les mots ordinaires stéréotypés ce que nous voyons. Et le film finit là-dessus. Les deux sur le banc, le couple à travers le grillage et les trois dans le lit.
Tout est ramassé. Si l’on parle de ça avec nos mots à nous et qu’on dit « l’homosexualité dans les hôpitaux psychiatriques », ça ne veut rien dire par rapport à ce que l’on voit. On ne peut pas nommer cela avec nos codes à nous. Même quand on voit les scènes, on se dit : « Mais qu’est-ce que c’est, comment nommer ce qui se passe entre ces hommes ? » Pour la femme, c’est plus facile à repérer, c’est plus clairement affiché et c’est clairement sexuel, même s’il n’y a pas d’acte possible, et nous sommes plus dans du code : ils se prennent les mains, ils s’embrassent, il l’enlace à travers la grille.
Catherine Bailhache
Il y a des choses qui restent mystérieuses pour moi, par exemple la femme en bleu, l’amoureuse, elle peut monter lui donner des petites cacahuètes. Il y a la grille mais elle a le droit de circuler dans les escaliers d’un étage à l’autre. Elle accède à l’étage des hommes, alors qu’eux ne peuvent pas descendre comme ça. Sauf au moment des repas qui se prennent dans la cour. Les grilles sont donc fermées, sauf à des moments précis et encadrés durant lesquels, d’un coup, ils sont tous ensemble.
Alain Bergala
J’ai l’impression qu’il y a beaucoup moins de femmes que d’hommes. Je pense qu’ils enferment plus volontiers les hommes que les femmes. On voit bien que les femmes qui viennent en visite sont les piliers de la famille, elles tiennent tout : le social, l’économie, les relations aux hommes. Elles décident si leurs hommes doivent rester ou sortir - j’imagine avec les autorités psychiatriques - mais quand même leur parole est très importante sur le sort des hommes enfermés. Et elles ont de toute évidence un rôle de régulation. Alors que le fils, lui, a l’air de ne servir à rien, en tout cas dans le social, dans la famille…
Catherine Bailhache
De tous, c’est celui qui a l’air le plus mal à l’aise, le plus enfermé, le plus bizarre, alors qu’il est bien habillé, mais il a les yeux qui partent sur le côté et par moments, il vacille sur ses propres bases, il ne tient pas debout.
Alain Bergala
J’aime beaucoup les petits moments d’humour. Sur la piqure, c’est très drôle ! On réalise qu’ils n’ont pas perdu le sens de l’humour, ce qui fait que ce n’est pas un lieu totalement plombé comme on s’y attendrait. L’humour est une forme de santé morale et de résistance.
Catherine Bailhache
La seule chose qui m’a paru semblable aux hôpitaux psychiatriques aujourd’hui en France - que je connais en tant que visiteuse - c’est l’absence des médecins et des infirmiers. En France, les médecins ne sont pas là. Ou alors ils arrivent et disent : « Ce n’est pas grave. » Les infirmières sont là pour tout ce qui est matériel - « Prenez vos médicaments » - elles vérifient que les malades les ont bien avalés, comme dans le film, mais il n’y a pas d’échange humain, il n’y a même pas de véritable échange médical, du genre : « Est-ce qu’on pourrait changer les traitements ? » J’ai essayé d’en parler avec elles et la réponse est toujours la même : « Il faudrait parler avec le docteur mais il n’est pas là. » Ça m’a fait une drôle d’impression de retrouver cette chose commune alors que tout le reste est si différent.
Alain Bergala
La force de Wang Bing, qui était aussi celle de Depardon, c’est qu’ils ne sont pas perçus comme des reporters. Ils ne représentent pas la télévision, ils ne participent d’aucun pouvoir, ce sont juste des individus. Ils ont du mal à y entrer, mais une fois à l’intérieur ils ont tout le temps de filmer ce qui se passe, ils font partie de la collectivité.
Marielle Millard
Est-ce qu’il a eu des problèmes pour tourner dans un hôpital psychiatrique ? Est-ce qu’il a fait des repérages avant ?
Emmanuel Atlan
Il avait déjà ce projet de filmer un hôpital psychiatrique près de Pékin quand il tournait A l’ouest des rails. Il a visité par hasard un premier hôpital psychiatrique mais il n’a jamais eu l’autorisation. Et miraculeusement dans une autre région, il a obtenu cette autorisation, il ne dit pas comment. Il a mis du temps avant de commencer à filmer. Pendant une semaine, il s’est dit : « Comment je vais filmer ça, qui je vais filmer ? » Le filmage a duré trois-quatre mois, à raison de douze heures par jour. Ils quittaient l’hôpital seulement la nuit. Au bout d’un moment, ils se sont fait un peu chasser. Les relations avec les gardiens étaient de plus en plus difficiles.
Marielle Millard
Mais Wang Bing n’est pas connu en Chine ?
Alain Bergala
Le pouvoir chinois ne peut pas ne pas le connaître. Ils voient bien que ses films sont présentés dans les festivals du monde entier. Je pense qu’ils préfèrent faire semblant de ne pas savoir. Sinon il n’aurait pas pu tourner le Fossé. Personne ne peut croire qu’en Chine quelqu’un puisse tourner un film comme ça, avec de nombreux acteurs, sans que les autorités locales le sachent. Il n’est pas trop gênant pour eux parce qu’il n’y a jamais de discours politique direct, ce n’est jamais une thèse.
Catherine Bailhache
Bien sûr il s’intéresse à des aspects de la Chine que le pouvoir chinois a plutôt envie de cacher, mais ce qu’il met en avant, dans ce qu’il montre, n’est jamais directement une critique politique. C’est le côté humain qui ressort d’abord. La critique, elle, est implicite.
Emmanuel Atlan
On n’a pas parlé du titre. Ce sont deux idéogrammes : il y en a un qui veut dire amour et l’autre veut dire folie. Avec A la folie, on a essayé de se rapprocher du titre original. L’amour est très important dans les relations humaines qui sont prépondérantes dans le film. Ce n’est pas un film glauque. Je me rappelle que les spectateurs, au festival de La Rochelle étaient enthousiastes en sortant de la projection. C’est un film où l’on ne s’ennuie jamais une seconde.
Propos recueillis le 11 janvier 2015 par Emmanuel Atlan (Les acacias), Catherine Bailhache et Marielle Millard (Association des cinémas de l'ouest pour la recherche) • transcription : Marielle Millard © ACOR