Tout ce qu'il me reste de la révolution

de Judith Davis • France • 2018 • 1H28 Festival du film francophone d'Angoulême : Prix du Jury | festival d’Auch 2018
UFO • Sortie nationale : 06 février 2019





Angèle avait 8 ans quand s’ouvrait le premier McDonald’s de Berlin-Est… Depuis, elle se bat contre la malédiction de sa génération : être né « trop tard », à l’heure de la déprime politique mondiale. Elle vient d’une famille de militants, mais sa mère a abandonné du jour au lendemain son combat politique, pour déménager, seule, à la campagne et sa sœur a choisi le monde de l’entreprise. Seul son père, ancien maoïste chez qui elle retourne vivre, est resté fidèle à ses idéaux. En colère, déterminée, Angèle s’applique autant à essayer de changer le monde qu’à fuir les rencontres amoureuses. Que lui reste-t-il de la révolution, de ses transmissions, de ses rendez-vous ratés et de ses espoirs à construire ? Tantôt Don Quichotte, tantôt Bridget Jones, Angèle tente de trouver un équilibre.



Le premier film de Judith Davis, TOUT CE QU’IL ME RESTE DE LA REVOLUTION, est soutenu par l’AFCAE et recommandé par l’ACOR. Il n’a pourtant fait l’unanimité, ni dans le comité de sélection de l’ACOR ni dans le groupe actions promotion de l’AFCAE, j’en ai été deux fois le témoin. Un tel dissensus n’affaiblit pas le film, à mon sens, mais appelle un surcroît d’attention à son égard.

TOUT CE QU’IL ME RESTE DE LA REVOLUTION n’est pas un film gigantesque, formellement révolutionnaire, c’est entendu, mais je le trouve plein de vivacité, de justesse, de dureté aussi parfois. Militant sans être gnan-gnan, drôle sans être bête. Il n’est pas si facile de réussir ainsi un « petit film ». Je suis particulièrement intéressé par sa démarche de production, issue d’un collectif, L’Avantage du doute, créé, avec Judith Davis, par Claire Dumas, Nadir Legrand, Simon Bakhouche et Mélanie Bestel, qui jouent tous avec elle dans le film.



La première création de ce collectif en 2009, TOUT CE QUI NOUS RESTE DE LA REVOLUTION C’EST SIMON, s’est effectuée au théâtre et dix ans plus tard le film de Judith Davis en est une adaptation/inflexion/déformation. Le film porte les traces de cette genèse théâtrale et je conçois que certains en soient gênés, mais le surjeu des acteurs – léger ou appuyé, mais toujours assumé – contribue au contraire à mon plaisir de spectateur.

De la pièce au film et du début du film à sa fin, on passe du « nous » au « je », de la bouffonnerie sociale à l’intimité familiale. Le désir de « révolution » s’y dissout-il pour autant dans la vieille tambouille des histoires de papa-maman ? À mon sens, non, car le film questionne justement la possibilité d’une transmission de ce désir qui ne passe pas par des discours, de la propagande ou même un quelconque enseignement mais par des voies indicibles, plus intimes.





«Pour beaucoup de gens la véritable perte du sens politique c’est de rejoindre une formation de parti, subir sa règle, sa loi… Je ne sais pas ce que vous en pensez. Pour moi la perte politique c’est avant tout la perte de soi, la perte de sa colère autant que celle de sa douceur, la perte de sa haine, de sa faculté de haine, autant que celle de sa faculté d’aimer, la perte de son imprudence autant que celle de sa modération, la perte d’un excès autant que celle d’une mesure, la perte de la folie, de sa naïveté, la perte de son courage comme celle de sa lâcheté, autant que celle de son épouvante devant toute chose autant que celle de sa confiance, la perte de ses pleurs comme celle de sa joie. Voilà ce que je pense moi. » (Phrases de Marguerite Duras, citées par le collectif L’Avantage du doute lors de son premier spectacle)






Je me permets donc de vous recommander le film de Judith Davis, TOUT CE QU’IL ME RESTE DE LA REVOLUTION. Il a, selon moi, tout à fait sa place dans la programmation des salles de l’ACOR et, plus généralement, des salles indépendantes Art et Essai.

Antoine Glémain, le 13 décembre 2018