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Notes rédigées par Antoine Glémain © ACOR 2013


Filmographie d'Asoka Handagama

En dehors de ses contributions au théâtre et à la télévision, Asoka Handagama a réalisé à ce jour pour le cinéma 7 longs métrages :

1992 Chanda Kinnarie (Moon Lady)
1996 Sanda Dadayama (Moon Hunt)
2001 Me Mage Sandai (This Is My Moon)
2002 Tani Tatuwen Piyabanna (Flying With One Wing)
2004 Aksharaya (A Letter Of Fire, puis Goodbye Mum)
20120Vidhu
2012 Ini Avan (Ini Avan – Celui qui revient)




Programmer Handagama
en France

La sortie en France de Ini Avan peut être l'occasion de mettre en valeur l'œuvre (ou, en tout cas, certaines facettes de l'œuvre) d'un cinéaste de première importance en l'inscrivant dans différentes perspectives.


Il n'est pas encore possible de présenter aujourd'hui en France, dans de bonnes conditions, la totalité de cette filmographie. Mais le travail de Laurent Aléonard, qui a créé sa société de distribution, Héliotrope Films, justement pour faire connaître une telle œuvre, nous permet de proposer déjà en salles deux des films majeurs de Asoka Handagama (en attendant la sortie de Goodbye Mum, nouveau montage de A Letter of Fire, censuré au Sri Lanka en 2004 et banni depuis lors de tous les écrans).


This is my Moon

(Me Mage Sandai)

Sri Lanka, 2001, 1 h 44, 35 mm, VOSTF.
Réalisation et scénario : Asoka Handagama
Photographie : Channa Deshapriya
Musique : Rohana Weerasinghe
Montage : Ravindra Guruge
Interprètes : Saumya Liyanage, Dilhani Eranayake, Linton Semage
Distribution : Héliotrope Films



Au Sri-Lanka, en plein conflit avec les rebelles tamouls, un soldat cinghalais déserte, suivi par une femme tamoule dont il a abusé. Un petit village à l'abandon suspendu dans l'attente. Une terre inexploitable, de petits trafics pour tout emploi, les femmes dans l'espoir du retour des hommes partis combattre. Par leur irruption étrange dans ce cycle fragile, le déserteur et sa compagne bousculent un ordre déjà bien défaillant.


Tourné et autoproduit dans des conditions très précaires, This Is My Moon n'a pas eu de distribution commerciale au Sri Lanka. Handagama a parcouru lui-même le pays pendant plusieurs mois, louant des salles pour le projeter et débattre avec le public. Le film a suscité sur place de violentes polémiques, avant de frayer sa voie dans quelques festivals internationaux (dont le Festival des 3 Continents à Nantes) et d'obtenir une première reconnaissance critique .

<em>This is my Moon</em>

This is my Moon



“ This is my Moon est une splendeur, aux accents imprévisibles et envoûtants, qui associe un certain hiératisme scénographique avec une sensualité des corps (les acteurs, étonnants, sont formidables), des paysages et des lumières tout à fait saisissants (...) Un film splendide : rares sont les découvertes de cette ampleur. ”

Charles Tesson
Cahiers du cinéma , juillet-août 2001

“ Avec un sens de l'ellipse et de l'espace off remarquable, le cinéaste, qui est homme de théâtre, évoque l'histoire d'amour de deux jeunes gens, au mépris des traditions et au milieu de la guerre interethnique qui ravage le Sri Lanka. S'exprimant avant tout en termes visuels, Handagama confère à son récit un caractère poignant et une grande force plastique. ”

Michel Ciment
Positif, novembre 2001






“ Là où souvent le cinéma "émergeant" s'arrête au conflit entre modernité et tradition, Handagama s'avance jusqu'aux secrets intimes qui se cachent derrière ces codes, pour arriver jusqu'au malaise, développant un contrepoint troublant au message pacifiste parfaitement clair qui constitue le thème le plus évident de This Is My Moon. ”

Thomas Sotinel
Le Monde, octobre 2002




“ On voit, cent minutes durant, s'inventer un cinéma qui ose des images taboues sous nos latitudes, fouille des contrastes de rythmes et de genres que l'on interdirait dans nos écoles, le comique et la contemplation, le gag et le regard (...) Bonne nouvelle, un cinéaste est en train de naître. ”

Antoine de Baecque
Libération,, octobre 2002




“ Ce sont toujours des images très claires dans leur contenu, très dessinées par le cadre, très cohérentes par le choix des focales (...) Un regard de cinéaste qui essaie d'exprimer avec des moyens cinématographiques très élaborés un monde qui est le sien et qu'il veut proposer au débat. ”

Hubert Niogret
Positif,, novembre 2002

<em>This is my Moon</em>

This is my Moon

Avec le recul, This Is My Moon frappe toujours aujourd'hui par son audace, aussi bien dans les situations et personnages évoqués que dans les partis-pris formels (frontalité, ellipses déroutantes, ruptures de ton...). C'est un film libre qui ne cherche pas à être plaisant ni bien-pensant, il ne rentre pas dans les codes d'un certain “ world cinema ” et c'est justement pour cela qu'il nous embarque et nous émeut.



Flying with One Wing

(Tani Tatuwen Piyabanna)

Sri Lanka, 2002, 1h21, 35mm, VOSTF.
Réalisation et scénario : Asoka Handagama
Photographie : Channa Deshapriya
Musique : Rohana Weerasinghe
Montage : Ravindra Guruge
Interprètes : Anoma Janadari, Gayani Gisanthika, Mahendra Perera
Distribution : Héliotrope Films


De nos jours, dans une petite ville de Sri Lanka, une femme vit et travaille sous l'apparence d'un homme marié. A la suite d'un banal accident, sa véritable identité sexuelle est découverte par le médecin qui la soigne. Ce dernier se met à la harceler. Dans le même temps, un de ses collègues, se méprenant tant sur l'identité que les penchants sexuels de son compagnon de travail, tente lui aussi de la séduire. La femme repousse l'un et l'autre, mais par dépit, le médecin révèle finalement son secret... Le rêve d'une vie d'homme pour la femme s'écroule : commence alors pour elle une succession d'épreuves qui conduiront à un dénouement tragique.


Tourné avec la même petite équipe et autoproduit dans les mêmes conditions que This is my Moon, Flying with One Wing a suscité lui aussi de vives controverses au Sri Lanka, moins pour ses allusions à l'homosexualité que pour ses dénonciations très directes de l'hypocrisie et de la violence sociales.

Mais, après avoir déjoué la censure, il a été distribué commercialement et a rencontré un grand succès public : plus de 450 000 entrées dans un pays de 20 millions d'habitants. Il a aussi circulé dans une cinquantaine de festivals internationaux et obtenu à nouveau en France d'excellentes critiques :

<em>This is my Moon</em>

Flying with One Wing



“ Flying with One Wing amplifie les tensions sexuelles présentes dans This is my Moon. Il a pour sujet le machisme et le sexisme (...) Se met alors en place toute une fable politico-sexuelle à la crudité joyeuse, parfois cruelle, digne du meilleur Fassbinder, où tout y passe, de la nature organique de la sexualité (et sa possible méprise) à la pénible organisation sociale du monde en fonction des sexes apparents. Décapant et réellement tonique. ”

Charles Tesson
Cahiers du cinéma, janvier 2003



“ Flying with One Wing, au titre parfaitement décalé et perturbant, confirme amplement les attentes : Handagama est l'un des rares cinéastes à savoir mettre en scène des "dossiers" de société bien épais sans virer au film à thèse. Son dispositif est plus retors : le grincement de dents, le rire jaune, le comique inquiet, le burlesque affolé. ”

Antoine de Baeque
Libération, février 2004



“ Flying with One Wing révèle l'étonnante crudité de sa mise en scène, qui tient à la fois de la fable politique et de la farce grotesque, ainsi que sa portée évidemment subversive dans le cadre de la société sri lankaise. ”

Jacques Mandelbaum
Le Monde, février 2004



“ C'est un cinéma qui vise à faire réfléchir, avec ses raideurs et ses maladresses (l'inexpérience et la pauvreté), mais sans perdre de vue sa cohérence et son but. Refusant toute exploitation émotionnelle, il montre des situations dans leurs constituants, leurs conséquences sèches sans développements, parfois des ellipses importantes. Mais, peu à peu, le tableau se constitue, le point de vue est transmis. ”

Hubert Niogret
Positif, février 2004



<em>This is my Moon</em>

Flying with One Wing


<em>This is my Moon</em>

“ En deux films, Handagama a su imposer avec fermeté un cinéma frontal respectant la loi du plan fixe, tout en maintenant ici une légère instabilité du cadre qui rappelle les tremblements de L'Evangile selon Saint Matthieu de Pasolini. ”

Stéphane Delorme
Cahiers du cinéma, février 2004




Aujourd'hui, ce nouveau mélodrame apparaît sans doute moins fort, moins marquant que le précédent. Il gêne parfois par sa rudesse et sa naïveté – bien qu'en dernière instance son propos sur le "genre", de portée vraiment universelle, soit tout sauf ingénu. Mais il nous offre, plus centralement que This is the Moon ou même Ini Avan, le portrait d'une femme libre. Il est aussi très original dans sa manière de dissocier l'image des dialogues, révélant qu'il s'intéresse moins à raconter l'histoire de son héroïne, inspirée d'un authentique fait divers local, qu'à analyser les réactions de la société face à ce qui défie et menace son ordre supposé immuable.